J'ai lu "le Goncourt" qu'on m'a prêté, donc rapidement... j'ai bien aimé. C'est d'une lecture agréable, malgré un début pas très accrocheur (mais c'est assez souvent le cas dans les romans, il faut bien installer l'action, les personnages...). Beaucoup d'émotion dans les souvenirs de la mère, qui se transforme en conteuse pour son écrivaine de fille, on voit se dessiner un beau personnage de toute jeune femme à la fois naïve, sensuelle, très déterminée et surtout très courageuse... on vit avec elle cet été "en ville" qui comptera pour elle plus que tout le reste de sa vie... et on est embarqué dans cette guerre civile espagnole qui bien sûr va tourner à la tragédie, tragédie qui bien sûr aussi va rejaillir sur elle et sa famille. Mais il n'y a pas que du tragique, aussi de la malice, de la tendresse, de l'amertume et quand même la vie, la vie qui continue... atelante ! comme le dit la marcheuse, la réfugiée, la mère courage.
Il y a de jolies trouvailles dans le parler de la mère, le mélange qu'elle appelle"fragnol" c'est souvent drôle et émouvant. Je ne sais pas quelle est la part de "vérité pure" mais ça sonne plutôt juste. Un petit détail, dommage que des phrases en espagnol ne soient pas traduites, mais ce n'est pas franchement gênant.
Je n'ai pas trop aimé au début les références en contrepoint à Bernanos et à ses prises de position à l'égard de cette guerre (cf Les Grands cimetières sous la lune) je craignais qu'elles ne fassent du livre un objet culturel un peu froid. En fait elles ne sont pas envahissantes, et c'est quand même très intéressant de suivre le cheminement de ce fervent catholique qui a eu l'immense courage de se dresser contre son Eglise... et de décrire ce qu'il voyait. Et le parallèle avec l'attitude de Claudel est édifiant (si l'on peut dire!) je n'avais déjà pas beaucoup d'estime pour le personnage (voir sa conduite indigne envers sa sœur) il n'en sort vraiment pas grandi...
Une petite précision : ce n'est pas non plus manichéen, l'auteur n'occulte pas les atrocités commises dans le camp des républicains, les prêtres massacrés... et c'est vu au travers d'un personnage attachant, José, le frère de l'héroïne, un républicain convaincu mais qui souffre, qui doute... et qui aura une évolution déchirante.
Ce n'est pas un coup de cœur, à mon sens il manque quelque chose qui vous transporte vraiment, une étincelle, un peu de génie ? mais un beau récit qu'on lit avec intérêt et souvent avec émotion. Et maintenant, un petit verre d'anisette, comme le demande régulièrement la madre à sa fille ?