Poésie contemporaine

Actuellement, je lis une série de recueils de poésie contemporaine (pas réellement un choix de ma part...) et je peux vous dire que certains textes sont, comment dire, pas vraiment pour les jeunes. Bref.

Je viens de terminer "Coeur élégie rouge" de James Sacré (paru chez André Dimanche). Deux choses m´ont décidée à en parler ici :
- le côté nostalgique de la campagne (d´antan)
- l´attachement très fort à la nature

C´est là que j´ai pensé particulièrement à Serge.

Je ne te demande pas de l´acheter, d´ailleurs il est possible que la poésie contemporaine ne te plaise pas du tout, mais si tu devais en lire, ce serait celle-là. Essaie de la trouver en bibliothèque, peut-être. Et puis, elle est très facile d´accès, j´entends par là qu´elle n´est pas déconcertante comme le sont d´autres. J´ai bien souffert en lisant des trucs comme :

hirondelle :-?§"%__*%&) triliiiiiiiiiiiss
de
>zou
psit ki ki

Et encore, je n´ai pas la possibilité de tracer un grand trait rouge à travers la "page". Je n´ai plus le livre chez moi, ne peux donc malheureusement pas citer de vrais extraits. Ma façon de représenter le style de l´auteur est sans doute une preuve flagrante de la lourdeur de mon esprit.

La poésie contemporaine n´est pas vraiment ma tasse de thé, je dois avouer que j´y suis souvent hermétique, à part quelques exceptions.
Je préfère de loin un bon petit roman, ou alors, la poésie classique. Quelle ringarde je fais !

Citation :

Je viens de terminer "Coeur élégie rouge" de James Sacré (paru chez André Dimanche). Deux choses m´ont décidée à en parler ici :
- le côté nostalgique de la campagne (d´antan)
- l´attachement très fort à la nature

C´est là que j´ai pensé particulièrement à Serge.

Je viens de lire des extraits ici :
http://terreaciel.free.fr/poetes/poetesjsacre.htm
C'est vrai que c'est un peu moderne pour moi

Extrait :

Le bonheur aussitôt dans l'ombre ça
brille tilleul
toit rouge ça brille avec des jeux d'enfant poète avec des

billes des mots j'attends silence au loin billes perdues
rien dans le mot bonheur mais dans le vide le sentiment
qui persiste dans la lumière centre fleuri d'un arbre
fleuri
en rond c'est comme les visages que j'aime.

----------------------------------

bonheur il brille
l'ombre un poème avec des billes
le vide et le sentiment souriants



-----------------------------------

Aussitôt le bonheur est là dans l'ombre il brille

Il grimpe au tilleul sur le toit rouge il brille
Avec des jeux d'enfant poète avec des billes
Avec des mots j'attends la rime
Au loin silence il perd ses billes et
rien
Dans un alexandrin le mot bonheur qui brille (mais
dans
le vide et le sentiment qui persiste de ma
pauvreté
je vois dans la lumière et dans le
centre
d'un arbre fleuri en rond les visages
souriants
que j'aime)

C'est un peu ... surprenant !




Je ne te demande pas de l´acheter, d´ailleurs il est possible que la poésie contemporaine ne te plaise pas du tout, mais si tu devais en lire, ce serait celle-là. Essaie de la trouver en bibliothèque, peut-être. Et puis, elle est très facile d´accès, j´entends par là qu´elle n´est pas déconcertante comme le sont d´autres. J´ai bien souffert en lisant des trucs comme :

hirondelle :-?§"%__*%&) triliiiiiiiiiiiss
de
>zou
psit ki ki

Et encore, je n´ai pas la possibilité de tracer un grand trait rouge à travers la "page". Je n´ai plus le livre chez moi, ne peux donc malheureusement pas citer de vrais extraits. Ma façon de représenter le style de l´auteur est sans doute une preuve flagrante de la lourdeur de mon esprit.

Citation :

La poésie contemporaine n´est pas vraiment ma tasse de thé, je dois avouer que j´y suis souvent hermétique, à part quelques exceptions.
Je préfère de loin un bon petit roman, ou alors, la poésie classique. Quelle ringarde je fais !

Je dois alors être aussi ringard...
J'ai la faiblesse d'aimer les poésies qui riment, avec un nombre de pattes qui tombent pile !
Quel ringard !

Et j'aime par dessus tout, encore plus, la prose poétique...



On peut "écouter" un de ses poémes ici :
http://www.maisondelapoesie-nantes.com/htm/auteur/sacre.htm

En bas de la page, cliquer sur "écouter"...

Admin - Serge a écrit:

C'est vrai que c'est un peu moderne pour moi

Hmm, c´est vraiment le moins moderne de tous les auteurs de poésie que j´ai lus ces derniers temps.

Cela dit, je te comprends très bien.

Georgina a écrit:

Admin - Serge a écrit:

C'est vrai que c'est un peu moderne pour moi

Hmm, c´est vraiment le moins moderne de tous les auteurs de poésie que j´ai lus ces derniers temps.

Cela dit, je te comprends très bien.

Cela confirme que je suis ringard, dépassé...

Tu lis ce genre de choses par besoin professionnel ?

Bah ! passé le temps des excentricités, (en peinture, littérature, musique, architecture... ) on reviendra peut-être à de bonnes et solides bases...

Admin - Serge a écrit:

Tu lis ce genre de choses par besoin professionnel ?

Bah ! passé le temps des excentricités, (en peinture, littérature, musique, architecture... ) on reviendra peut-être à de bonnes et solides bases...

En fait, ce recueil est assez agréable à lire. On s´habitue très rapidement au "manque" de rimes ou au rythme "bancal".

Si je les lis, ce n´est pas réellement par besoin professionnel, mais j´ai été "enrôlée" dans le comité de lecture du lycée et le sujet est "la poésie contemporaine". Ils préfèrent la littérature contemporaine en général pour permettre des rencontres avec les auteurs. Je pense quand même que nos lycéens vont avoir du mal à apprécier.
Celui que je lis actuellement est plutôt réussi, mais aussi très particulier, avec des phrases qui font rarement moins de 20 lignes.

Georgina a écrit:

Admin - Serge a écrit:

Tu lis ce genre de choses par besoin professionnel ?

Bah ! passé le temps des excentricités, (en peinture, littérature, musique, architecture... ) on reviendra peut-être à de bonnes et solides bases...

En fait, ce recueil est assez agréable à lire. On s´habitue très rapidement au "manque" de rimes ou au rythme "bancal".

Si je les lis, ce n´est pas réellement par besoin professionnel, mais j´ai été "enrôlée" dans le comité de lecture du lycée et le sujet est "la poésie contemporaine". Ils préfèrent la littérature contemporaine en général pour permettre des rencontres avec les auteurs. Je pense quand même que nos lycéens vont avoir du mal à apprécier.
Celui que je lis actuellement est plutôt réussi, mais aussi très particulier, avec des phrases qui font rarement moins de 20 lignes.

Je ne pense pas pouvoir m'habituer rapidement...
J'ai encore tant de choses à découvrir... dans le style et l'époque que j'aime...

Les longues phrases... je n'ai jamais pu lire proust avec ses phrases interminables, bourrées d'incidences... (mais aussi parce que le milieu qu'il peint m'est assez étranger)...

Georgina a écrit:

Admin - Serge a écrit:

Tu lis ce genre de choses par besoin professionnel ?

Bah ! passé le temps des excentricités, (en peinture, littérature, musique, architecture... ) on reviendra peut-être à de bonnes et solides bases...

En fait, ce recueil est assez agréable à lire. On s´habitue très rapidement au "manque" de rimes ou au rythme "bancal".

Si je les lis, ce n´est pas réellement par besoin professionnel, mais j´ai été "enrôlée" dans le comité de lecture du lycée et le sujet est "la poésie contemporaine". Ils préfèrent la littérature contemporaine en général pour permettre des rencontres avec les auteurs. Je pense quand même que nos lycéens vont avoir du mal à apprécier.
Celui que je lis actuellement est plutôt réussi, mais aussi très particulier, avec des phrases qui font rarement moins de 20 lignes.

C'est bien parfois d'être obligée de lire certaines choses...qui ne nous attirent pas particulièrement.
J'avoue avoir beaucoup de mal en toute lecture dès que le style sort de l'habituel que ce soit dans les romans, les poésies ou autre...
J'ai vraiment essayé de persévérer avec la voix du couteau de Patrick Ness (phrases avec fautes de syntaxe, fautes d'orthographe...) car l'histoire était très originale et me plaisait bien... eh bien, pas moyen d'arriver au bout, ce n'était pas un plaisir à lire et j'ai abandonné.
Je rejoins le club des "ringards"...

Citation :

eh bien, pas moyen d'arriver au bout, ce n'était pas un plaisir à lire et j'ai abandonné.
Je rejoins le club des "ringards"...

Voilà, tu as tout dit ! Il faut un plaisir à lire.
Sur ce que j'aime moins, j'insiste, mais rien à faire : je ne suis pas masochiste !!

Bonjour à tous,   

Que penseriez vous de réactiver ce sujet en y postant les poèmes du XXème siècle que vous aimez?
Ce siècle était le nôtre...
De Paul Fort à Aragon, d'Apollinaire à Eluard, vous avez tous certainement en tête ou dans le cœur des vers qui vous ont émus, touchés, des strophes apprises par cœur, déclamées dans la solitude de votre chambre d'adolescent ou recopiées sur un cahier d'écolier... (Tous les poètes contemporains ne sont pas forcément hermétiques... )
Alors profitons en tous!

Et pour simplifier vos choix, je vous propose d'adopter la règle que Georges Pompidou à appliquée dans son "Anthologie de la poésie française": Ne citer que des poètes décédés au jour de la rédaction de son ouvrage. Comme il le disait lui-même, cette règle a l'avantage d'être simple et sans appel!

Je vous propose d'ouvrir ce "Cercle des poètes disparus" avec des vers de Georges Haldas, mêlant amertume et espérance:



LE TESTAMENT


Je lègue à mes enfants
cette aube sans couleur
le pain triste les rues
où je fus dédoublé
Je lègue les fontaines
qui m’ont parlé la nuit
les wagons solitaires
et les ormes coupés
Tous les recoins obscurs
et les hangars déserts
Et mal interprétés
les rêves d’un bonheur
toujours décomposé
Je lègue avec les rails
la rouille des années
les trains sans voyageurs
la gare abandonnée
Je lègue après la joie
cette ville changée
Comme est changé celui
qui croyait tout aimer
A mes enfants je lègue
mon infidélité
 
Je mourrai divisé
mécontent Sans espoir
Je lègue à mes enfants
un immense devoir :
Reprendre pied Revivre
Achever chaque soir
la tâche du matin
Donner enfin aux autres
une eau plus douce à boire
Je lègue à mes enfants
un sinistre miroir
qu’en souvenir de moi
ils voudront bien briser
Afin que les morceaux
reforment cette étoile
qu’en naissant j’ai trahie
Et que ma mort doit rendre
à son éclat premier
Je lègue à mes enfants
un impérieux devoir :
Ne pas désespérer.
 
Georges Haldas  La Blessure essentielle, Ed. L'âge d'homme

Très belle idée, très beau poème.

En attendant un poème sorti de ma mémoire, juste pour commencer, ces deux vers de "La Nuit de Mai" d'Alfred de Musset que j'avais recopiés sur ma pochette de cours, assortis d'un œil comme c'était la mode à l'époque :

Quelque amour t'est venu, comme on en voit sur terre,
Une ombre de plaisir, un semblant de bonheur.

Aïe, ça commence bien, je ne suis pas dans le bon siècle !   mais comme ce n'était pas non plus un poème, on n'a qu'à dire que ça compte pour du beurre et pi c'est tout...

Et je répète, très beau sujet !

 

Après ce magistral raté, je m'aperçois que le choix est bien difficile... et ce qui me vient surtout à l'esprit ce sont des vers, des bribes... mais quoi, nous avons presque l'éternité devant nous !
  
Alors pour commencer et presque au hasard, trois poèmes - dont deux très courts ! - parmi ceux qui me "parlent" bien :


NOIR COMME LA MER

Tout ce que je ne puis te dire
à cause de tant de murs,
tout cela qui s'accumule
autour de nous dans la nuit,
il faudra bien que tu l'entendes
lorsqu'il ne restera de moi
que moi-même à tes yeux caché.
Tout ce que je ne puis te dire
et que tu repousses dans l'ombre
à force de trop désirer
cet amour noir comme la mer
où venaient mourir les étoiles
et ce sillage de lumière
que je suivais sur ton visage,
tout ce qu'autrefois nous taisions
mais qui criait dans le silence.
Tout ce que je n'ai pu te dire
le sauras-tu sur l'autre bord
quand nous dormirons bouche à bouche
dans l'éternité sans paroles ?

Louis Guillaume - Noir comme la mer (Les Lettres)

LE SENTIER

Jamais le sentier
qu'inscrit au sol
l'homme qui marche
n'est droit.

D'instinct
sans qu'il en décide
il le trace ondulé
souple comme la pensée
les caresses.

Gabrielle Marquet



LUCIDITE

Quand tu me haches le cœur
J'ai si mal
Que je pourrais sans rien sentir
Courir jusqu'à la mer
Et mourir tranquille
Comme un coquillage

Denise Jallais - Pour mes chevaux sauvages (Guy Chambelland)


Après vérification - je ne me souvenais plus de la règle des poètes décédés - il semble que Gabrielle Marquet et Denise Jallais soient encore en vie, même si ce sont maintenant de très vieilles dames... ce n'est pas trop grave ? je ne ferai plus d'entorses ;-)
mais tu supprimes si tu préfères !
 

mouette a écrit:

Après vérification - je ne me souvenais plus de la règle des poètes décédés - il semble que Gabrielle Marquet et Denise Jallais soient encore en vie, même si ce sont maintenant de très vieilles dames... ce n'est pas trop grave ? je ne ferai plus d'entorses ;-)
mais tu supprimes si tu préfères !
 

Censurer des poètes! Mais tu n'y penses pas!
Supprimons plutôt cette règle, qui n'a existé que pour être transgressée   

Et intéressons nous désormais aux "Poésies d'hier et de maintenant"

Merci pour ces très beaux textes.
 "Noir comme la mer" traitant de l'art de se côtoyer sans se rencontrer, nous crie l'urgence d'un tête à tête amoureux, les yeux dans les yeux... avant qu'il ne soit trop tard...

J'aime beaucoup la légèreté optimiste et rassurante de Gabrielle Marquet, et tout à fait salutaire, si l'on pense que certaines courbes du sentier sont hélas parfois méchamment anguleuses... 
Des caresses pour arrondir les angles, c'est parfait!
Et le "sans qu'il en décide" nous incite à penser qu'il y a une part de mystère dans nos destinées humaines, qui détermine notre agir et nous mène là où nous devons aller, à bon port. "La force de l'inconscient", dirait Freud, "Dieu écrit droit avec des lignes courbes", dirait le croyant, les deux hypothèses ne s'excluant pas..

Ma chère Mouette, je sais que tu connais comme moi le plaisir des promenades sur la grève.. j'avoue que j'y regarderai à deux fois la prochaine fois et que je ferai bien attention de ne poser mes pieds que sur le sable, respectueux de cette jolie frange parsemée de petits coquillages, où dort peut être une très vieille dame triste.

Mais qui serait assez cruel pour hacher le cœur d'une très vieille dame????

De Jacques Prévert, dans "Paroles": 

Le concert n'a pas été réussi

Compagnons des mauvais jours
Je vous souhaite une bonne nuit
Et je m’en vais.
La recette a été mauvaise
C’est de ma faute
Tous les torts sont de mon côté
J’aurais dû vous écouter
J’aurais dû jouer du caniche
C’est une musique qui plaît
Mais je n’en ai fait qu’à ma tête
Et puis je me suis énervé.
Quand on joue du chien à poil dur
Il faut ménager son archet
Les gens ne viennent pas au concert
Pour entendre hurler à la mort
Et cette chanson de la Fourrière
Nous a causé le plus grand tort.
Compagnons des mauvais jours
Je vous souhaite une bonne nuit
Dormez
Rêvez
Moi je prends ma casquette
Et puis deux ou trois cigarettes dans le paquet
Et je m’en vais…
Compagnons des mauvais jours
Pensez à moi quelquefois
Plus tard…
Quand vous serez réveillés
Pensez à celui qui joue du phoque et du saumon fumé
Quelque part…
Le soir
Au bord de la mer
Et qui fait ensuite la quête
Pour acheter de quoi manger
Et de quoi boire…
Compagnons des mauvais jours
Je vous souhaite une bonne nuit…
Dormez
Rêvez
Moi je m’en vais.

Quel émouvant poème de Prévert, que je ne connaissais pas du tout, bien digne de lui avec son ironie désabusée et fraternelle...

merci à toi Caribou pour nous avoir fait partager cette belle gouaille mélancolique, et merci aussi d'avoir si bien commenté ma petite poignée de poèmes :-) j'en ai un autre sur le feu (mot malheureux) mais ce sera pour ce soir (et je réponds aussi ce soir à ton mp)

 

D'Henri Michaux (Plume)

Dans la nuit
Dans la nuit
Je me suis uni à la nuit
A la nuit sans limites
A la nuit.


Mienne, belle, mienne.

Nuit
Nuit de naissance
Qui m'emplit de mon cri
De mes épis.

Toi qui m'envahis
Qui fais houle houle
Qui fais houle tout autour
Et fumes, es fort dense
Et mugis
Es la nuit.
Nuit qui gît, nuit implacable.
Et sa fanfare, et sa plage.
Sa plage en haut, sa plage partout,
Sa plage boit, son poids est roi, et tout ploie sous lui
Sous lui, sous plus ténu qu'un fil
Sous la nuit
La Nuit.


Je ne cherche pas à tout comprendre, j'ai seulement la sensation de voler au ras du sable la nuit en déployant une immense cape de velours noir trouée à la fois d'étoiles et de cigarettes...

Merci Mouette! étonnant et envoutant texte, qui donne, comme tu le dis si bien, l'impression de planer dans le noir avec pour ma part une sensation de vertige et d'étourdissement tout à fait hypnotique. Je pense que c'est dû à la confusion induite par les derniers vers, et sans doute aussi par ta suggestion... si tu croises un cervidé volant dans ton couloir aérien, écarte toi prudemment, je ne maîtrise pas encore tout à fait bien mes trajectoires (surtout de nuit)

J'hésite à proposer à la suite du tien ce poème, l'atterrissage est brutal.
De Paul Bulliard que j'ai découvert en parcourant la très belle page rédigée par Corso sur le forum  Paul Jacques Bonzon:
http://paul-jacques-bonzon.fr/bonzon_bulliard.htm  , un poème très simple, presque enfantin, sur le monde de la souffrance:



Nous autres...

Nous autres, malades,
Nous sommes comme les enfants:
Un rien nous ravit
Et un rien nous plonge
Dans le plus profond désespoir.


Nous autres, malades,
Nous sommes comme les enfants:
Nous voulons qu'on nous aime
Nous voulons qu'on nous berce
De chants d'espoir.


Nous autres, malades,
Nous n'inspirons que la pitié
Mais cette façon d'amitié
Décolorée -ô notre attente!-
N'apaise pas la soif ardente.


Nous autres, malades,
Nous sommes comme des enfants
Nous aimons bien notre maman
Et nous voudrions des amis
Pour les aimer, beaucoup, toujours.

Mais nous n'avons plus
Que nos souvenirs,
Et les autres
Ne nous aiment que de loin.


Nous sommes un peu encombrants:
Trop immobiles, inquiétants,
Et nous voudrions être enfants,
Nous autres, malades...


Paul Bulliard. Chacun sa croix

Les deux poèmes ne sont pas du tout sur le même registre, bien sûr, et guère plus comparables que la carpe et le lapin... mais à mon sens il n'y a aucune infériorité ni donc supériorité ! le poème-incantation de Paul Bulliard est extrêmement émouvant, d'une grande sensibilité, et il sonne si juste... comme disent les bonnes gens il savait de quoi il parlait...

C'est vrai, l'étude que lui consacre Corso est un très beau travail ! et l'hommage rendu par Paul-Jacques Bonzon à son ami est particulièrement poignant... il faut dire que mourir à trente-deux ans après tant d'années de tant de souffrances il y a de quoi émouvoir. Mais PJB l'exprime avec une telle chaleur, sans rien de convenu, comme il sait si bien le faire...

J'interprète aussi l'appel de Paul Bulliard à l'amitié et non à la pitié comme quelque chose de très vrai... je me souviens avoir visité un proche gravement malade - il s'en est sorti - qui n'aimait pas qu'on lui demande s'il n'avait pas trop mal ou qu'on le plaigne, mais qui gisant sur son lit s'animait quand on lui parlait de l'actualité, de son jardin, des soucis avec sa tondeuse... une conversation normale qui lui donnait un avenir ou au moins un présent ! ça paraît évident, mais nous pouvons parfois avoir tendance à l'oublier...

On s'éloigne un peu de la poésie, là, mais celle de Bulliard me paraît si humaine, "en pleine pâte", que cela ne me semble pas un sacrilège !

Juste un tout petit joyau d'Eugène Guillevic (Terre à bonheur, Seghers)

  Chaude est la terre
  Lorsque l'été

  Se parle de l'instant qui dure
  Au bord des roses.

Merci pour ce joli rubis, Mouette!  

Merci Caribou !  

Pour dire adieu à ce joli mois de septembre - sauf pour les gens du sud chez qui il se termine bien mal ! - je voudrais partager avec vous ce poème de Patrice de la Tour du Pin que je trouve superbe  (attention, c'est bien mélancolique) :


                                                            Enfants de septembre

de :
Patrice de La Tour du Pin
                                                       
                                                                        à Jules Supervielle.
 

Les bois étaient tout recouverts de brumes basses,
Déserts, gonflés de pluie et silencieux ;
Longtemps avait soufflé ce vent du Nord où passent
Les Enfants Sauvages, fuyant vers d'autres cieux,
Par grands voiliers, le soir, et très haut dans l'espace

J'avais senti siffler leurs ailes dans la nuit,
Lorsqu'ils avaient baissé pour chercher les ravines
Où tout le jour, peut-être, ils resteront enfouis ;
Et cet appel inconsolé de sauvagine
Triste, sur les marais que les oiseaux ont fuis.

Après avoir surpris le dégel de ma chambre,
A l'aube, je gagnai la lisière des bois ;
Par une bonne lune de brouillard et d'ambre
Je relevai la trace, incertaine parfois,
Sur le bord du layon, d'un enfant de Septembre.

Les pas étaient légers et tendres, mais brouillés,
Ils se croisaient d'abord au milieu des ornières
Où dans l'ombre, tranquille, il avait essayé
De boire, pour reprendre ses jeux solitaires
Très tard, après le long crépuscule mouillé.

Et puis, ils se perdaient plus loin parmi les hêtres
Où son pied ne marquait qu'à peine sur le sol ;
Je me suis dit : il va s'en retourner peut-être
A l'aube, pour chercher ses compagnons de vol,
En tremblant de la peur qu'ils aient pu disparaître.

Il va certainement venir dans ces parages
A la demi-clarté qui monte à l'orient,
Avec les grandes bandes d'oiseaux de passage,
Et les cerfs inquiets qui cherchent dans le vent
L'heure d'abandonner le calme des gagnages.

Le jour glacial s'était levé sur les marais ;
Je restais accroupi dans l'attente illusoire,
Regardant défiler la faune qui rentrait
Dans l'ombre, les chevreuils peureux qui venaient boire
Et les corbeaux criards, aux cimes des forêts.

Et je me dis : je suis un enfant de Septembre,
Moi-même, par le coeur, la fièvre et l'esprit,
Et la brûlante volupté de tous mes membres,
Et le désir que j'ai de courir dans la nuit
Sauvage, ayant quitté l'étouffement des chambres.

Il va certainement me traiter comme un frère,
Peut-être me donner un nom parmi les siens ;
Mes yeux le combleraient d'amicales lumières
S'il ne prenait pas peur, en me voyant soudain
Les bras ouverts, courir vers lui dans la clairière.

Farouche, il s'enfuira comme un oiseau blessé,
Je le suivrai jusqu'à ce qu'il demande grâce,
Jusqu'à ce qu'il s'arrête en plein ciel, épuisé,
Traqué jusqu'à la mort, vaincu, les ailes basses,
Et les yeux résignés à mourir, abaissés.

Alors, je le prendrai dans mes bras, endormi,
Je le caresserai sur la pente des ailes,
Et je ramènerai son petit corps, parmi
Les roseaux, rêvant à des choses irréelles,
Réchauffé tout le temps par mon sourire ami...

Mais les bois étaient recouverts de brumes basses
Et le vent commençait à remonter au Nord,
Abandonnant tous ceux dont les ailes sont lasses,
Tous ceux qui sont perdus et tous ceux qui sont morts,
Qui vont par d'autres voies en de mêmes espaces !

Et je me suis dit : Ce n'est pas dans ces pauvres landes
Que les enfants de Septembre vont s'arrêter ;
Un seul qui se serait écarté de sa bande
Aurait-il, en un soir, compris l'atrocité
De ces marais déserts et privés de légende ?

Très beau et romantique, Mouette, merci!
Je sens que la musique de ce long poème va hanter mon automne!

Merci pour ce beau poème, mouette,

Merci pour ce beau poème qui me dépayse complètement. Ici nous en sommes aux orages très violents remplacés en 20 minutes par du très beau temps mais quels déluges! Pas de brumes basses, pas de cerfs ou de chevreuils, pas de marais...