Le journal anglais
The Guardian a publié hier vendredi 26 novembre 2021, un article sur Enid Blyton.
Vous pouvez cliquer sur le lien suivant pour le lire en version originale :
https://www.theguardian.com/books/2021/nov/26/a-bit-pushed-enid-blyton-letters-reveal-strain-of-work-and-motherhoodVoici la traduction en français : bonne lecture !
« Un peu stressée » : les courriers d’Enid Blyton évoquent les exigences du métier et de la maternité
En exclusivité : la romancière Enid Blyton écrit à propos de la pression qu’elle a subie du fait de la garde de ses propres enfants et de l’obligation d’avoir à répondre à des « milliers de lettres personnelles ».Ses récits d’aventures à succès ont diverti des générations de lecteurs. Toutefois, à l’instar de tant de mamans actives d’aujourd’hui, Enid Blyton a eu du mal à jongler avec sa carrière d'écrivaine pour enfants et son rôle de mère de famille ayant la charge d’élever ses propres enfants, selon des lettres inédites.
Écrivant en 1950 à Roland Heath, son éditeur chez Macmillan, l'auteure des Club des Cinq confiait : « J'adorerais écrire un autre roman pour vous tout de suite… mais je sens que je dois vraiment lever le pied un tant soit peu sur mes livres pendant un certain temps ; à la vérité, c'est ma correspondance qui me déprime, ainsi que les apparitions publiques continuelles qu’on m’oblige à faire. »
Et de continuer : « Je ne ressens aucune fatigue. J’éprouve seulement le sentiment parfois d’être sous pression, surtout les jours où les enfants sont à la maison et où nous recevons ceux des autres. Diriger le ménage, m’occuper de tous ces enfants, me consacrer aussi à mon travail, répondre à des milliers de lettres personnelles, à bout desquels même une douzaine de secrétaires réunies viendraient difficilement, à moins que les réponses ne leur soient dictées : tout cela représente un travail fou. »
De la correspondance jusqu’alors négligée montre combien Blyton avait du mal à concilier vie professionnelle et vie personnelle, ce qui est sans commune mesure avec l’idée moderne qui lui est souvent attribuée de « machine à écrire impitoyable ». Les revers de la célébrité, qui exigent d’elle qu’elle fasse des apparitions publiques devant ses fans, ont contribué à empêcher Blyton d’écrire plus de romans.
« Si je pouvais renoncer à toutes ces apparitions publiques, ce ne serait déjà pas si mal, déclare-t-elle. Je ne vois pas trop comment je pourrais vivre tant de vies à la fois, d’autant moins qu’à titre personnel, je ne tiens pas tant à me faire de la publicité ! »
Se référant à son époux Kenneth Darrell Waters, auquel elle est mariée en secondes noces, elle ajoute : « Kenneth s'inquiète pour mon travail. Je ne lui ai pas avoué que je me sentais un peu tendue après ces vacances, de peur qu’il ne fasse quelque chose de drastique ; alors s'il vous plaît, ne lui dites rien ! »
Ces courriers adressés à Macmillan, l’une de ses maisons d’édition, se trouvent à la
British Library et ont été examinés par Andrew Maunder pour son ouvrage à paraître, intitulé « Enid Blyton: A Literary Life », dont la sortie en librairie par l’éditeur Palgrave est prévue pour le 8 décembre prochain.
Ils s'appuient largement sur la correspondance commerciale de Blyton, y compris les archives détenues par Macmillan. Rédigées entre 1940 et 1960, les lettres en question traitent principalement d’affaires, bien que, au fur et à mesure que Blyton apprenait à connaître l’équipe de rédaction de la maison, elle se laissât aller à parler de tout, depuis les vacances jusqu’au surmenage.
Maunder, doyen associé de la faculté des sciences humaines de l'Université du Hertfordshire et éditeur de la série « Littérature britannique de la Première Guerre mondiale », explique que ces courriers avaient été largement ignorés « en partie parce qu'ils n'avaient pas encore été catalogués ».
Blyton, décédée en 1968 à l'âge de 71 ans, s'est fait un nom grâce à des séries comme le Club des Cinq, Oui-Oui, le Clan des Sept, l’Arbre de Tous les Ailleurs et Malory School, totalisant plus de 400 titres.
Ces livres sont évocateurs d’une époque d'innocence où les enfants cherchaient des trésors cachés dans des passages secrets, le tout agrémenté de sandwichs et copieusement arrosé de rasades de bière au gingembre. La popularité durable de Blyton est telle, que les ventes totales ont dépassé les 600 millions.
Composer trente livres ou plus par an et s'occuper en même temps de ses deux filles, Gillian et Imogen, voilà qui n'était pas inhabituel pour Blyton.
Maunder déclare : « Dès 1950, elle se trouve sur une sorte de tapis de course, aux prises avec les exigences familiales, conjugales et ménagères. À un moment donné, on aurait dit que les choses s'arrêtent parce qu'elle ne peut plus s’en sortir. Ceci va donc à l'encontre de l'idée qu'elle est une impitoyable machine à écrire… Jongler avec tous ces différents engagements ne va pas sans faire des ravages. Elle ne faisait que travailler tout le temps. Sans secrétaire, elle s’est occupée toute seule de sa correspondance, de tout. »
Puis d’ajouter : « Cela revient à l'idée que Blyton était une sorte de monstre ou une mauvaise mère, idée qui est sortie dans un film de la BBC. Celui-ci mettait en scène Helena Bonham Carter, qui jouait Enid Blyton, laquelle est dépeinte comme une sorte de psychopathe. Ces lettres rétablissent l’auteure en tant que femme soucieuse de sa carrière et mère de famille préoccupée. »
Toutefois, sa popularité lui va droit au cœur, et elle écrit à son éditeur en 1943 : « J'ai été amusée de voir que l'excellente librairie du coin avait une de ses vitrines consacrée aux livres d'Enid Blyton. Je suis entrée et je me suis fait connaître du directeur, qui s’est montré ravi car il semble que les enfants de Swanage soient tous mes fans. Il se plaignait de ce qu’il n'arrivait pas à se procurer le quart de mes livres qu'il désirerait… J'ai promis de retourner dans sa librairie la semaine prochaine et de dédicacer tous les livres que les enfants apporteront… Je crains bien que sa boutique ne soit bondée pour l’occasion ! »
En début d’ année, le
English Heritage* a reconnu « le racisme, la xénophobie et le manque de mérite littéraire » dans les écrits de Blyton. Il montre du doigt un article du Guardian de 1966 qui met en exergue les propos racistes que l’on trouve dans un livre de Blyton, intitulé « The Little Black Doll** ». Dans cette historiette, le jouet-négrillon nommé Sambo, ostracisé à cause de son « vilain visage noir », n'est admis parmi ses amis que lorsque la pluie a lavé son visage jusqu'à ce qu'il soit devenu bien propre.
FIN
Note du traducteur :
* Organisme public indépendant chargé de la gestion du patrimoine historique d’Angleterre (source : Wikipedia).** « Le petit poupon noir » (livre inédit en France).