FICHE DE LECTURE :
La Noisetière (roman d'Antonin MALROUX)J’ai savouré la lecture de cette chronique rurale qui se passe dans le Cantal, département de l’Auverge si connu pour son fromage du même nom. C’est l’histoire d’une famille auvergnate, les Vaillargues. François Vaillargues, orphelin de père, est un jeune ado qui n’a plus que sa mère au monde. Un jour, celle-ci se jette sur un enfant tombé sur la route du village et risque sa proper vie pour sauver celle du gosse menacé d’accident. Ce dernier s’en sort indemne, mais la mère de François, qui s’appelle Justine Vaillargues, a les reins brisés et la colonne vertébrale toute déchirée. Accident bien fâcheux et lourd de conséquences : la malheureuse sera handicapée à vie, et elle ne pourra guère plus se déplacer qu’avec des béquilles. Il appartient désormais au pauvre François de subvenir aux besoins de sa mère infirme et aux siens propres en travaillant chez un gros paysan du bourg - les Lavoine - celui-là même dont le fils avait failli se faire tuer dans l’accident évoqué plus haut. Mère et fils s’installent sur les terres de cette famille qui possède d’importantes exploitations agricoles dans le pays, dans un appentis du nom de
La Noisetière, un nom bien champêtre. Le jeune François se plaît assez en la compagnie des enfants de sa famille d’accueil, même qu’il n’est pas insensible au charme de la fille des Lavoine qui, pour sa part, craque pour ce garçon aux traits déjà virils. Un soir en rentrant chez lui, François surprend son père adoptif en train de se donner du bon temps avec sa mère. Cet incident met le jeune homme en fureur ; au lieu d’entrer dans
La Noisetière, il revient sur ses pas et passe la nuit dans la forêt voisine. Le lendemain, de retour chez lui, il trouve sa mère en larmes. Confus, le fils ne sait que dire ni quelle contenance adopter. Sa mère lui présente ses excuses, en lui disant qu’elle n’était pour rien dans ce qui était arrivé la veille et que le seul responsable du déshonneur qu’elle avait subi était M. Lavoine. Face à sa mère ainsi humiliée, François en son for intérieur se jure de tuer le coupable à la première occasion venue. Sur ces entrefaites, Mme Vaillargues déjà fort mal en point, vient à mourir. Chagriné à l’extrême, et n’ayant désormais plus personne à qui se confier, le jeune Vaillargues est atterré. Peu de temps après, il exécute pour venger sa mère défunte la menace qu’il méditait depuis quelque temps, du moins en partie : un soir d’orage, alors que tout dort dans le secteur, François met le feu à La Noisetière et à la bergerie voisine. Les Lavoine, quand ils aperçoivent du désastre qu’ils croient dû à la foudre tombée sur leur demeure, ne savent où donner de la tête et cherchent à maîtriser les flammes. Pendant ce temps, François rôde dans les alentours à la recherché d’Amandine, donc la jeune Lavoine. Il la trouve enfin et, d’un commun accord, ils décident de s’enfuir de là. Ils y arrivent et, le temps que les parents remarquent l’absence de leur fille, et déjà les deux jeunes gens sont loin. S’acheve ici la première partie du récit.
Suite à leur escapade du foyer parental, François et Amandine montent à Paris, où ils ont la vie difficile. Mais patience et longueur de temps font plus que force ni que rage. S’ils connaissent des débuts rien moins que faciles – tous deux commenceront leur nouvelle vie dans la capitale comme "plongeurs" dans un restaurant – ils s’investissent corps et âme dans leur travail et réussissent leur vie par la suite. Au bout d’une dizaine d’années, les voilà propriétaires d’un café, situé en plein coeur de Paris. Quelques années plus tard, le couple marié aura un enfant : Guillaume. Les Vaillargues élèvent leur fils du mieux qu’ils le peuvent, en veillant à ce qu’il ne manque de rien. Guillaume fait de brillantes études, part quelques mois en Angleterre, puis rentre en France et décroche un poste d’instituteur dans l’Enseignement public. Les parents sont fiers de ce garçon si débrouillard, mais jusque-là ni l’un ni l’autre ne lui ont parlé de leurs années d’adolescents passées dans l’Auvergne et sur lesquelles ils ont tiré un grand trait. Mais un jour, M. Vaillargues père reçoit un coup de fil anonyme qui réclame sa présence dans son Auvergne natale. Intrigué, mais résolu, il décide avec son épouse de se rendre dans le Cantal, laissant à sa femme le soin de gérer leur café. Commence alors pour Vaillargues un long voyage, non seulement jusqu’en Auvergne mais aussi dans le temps. A l’arrivée dans le pays, il retrouve avec bonheur et joie les chemins campagnards qu’il a parcourus dans son enfance, les champs et les prés où il a tant couru en étant petit garçon. Ce cafétier parisien est tout ému ; il refait petit à petit connaissance avec le pays et avec ses anciens voisins dont les Broussotte surtout, vieux couple sans enfants. Bientôt Mme Vaillargues vient rejoindre son mari dans le Cantal et tous deux vont ensemble rendre visite à la mère de celle-ci après des années de séparation. Par la même occasion, ils rencontrent la femme de M. Lavoine – Monique – et, plus tard, leur fils, qui s’appelle Bernard et qui a sensiblement le même âge que celui du leur. Les époux Lavoine ont pris la relève à leurs parents qu’ils remplacent désormais sur les cultures et dans les champs avoisinants. Mais ce métier de fermiers, de "cul-terreux" comme on dit dans le pays, ne leur plaît guère et Mme Lavoine jalouse en plus son beau-frère et la femme de ce dernier pour leur réussite matérielle. Cette dame n’a désormais plus qu’une idée en tête : avoir sa part d’héritage dans le patrimoine de sa belle-famille. Un jour, mamie Lavoine simule de se trouver très mal en point. C’est qu’elle désire ardemment apprendre la vérité, à savoir faire le jour sur le legs familial et sur le motif de la visite de ses fille et gendre. Pendant qu’on s’occupe à lui donner les soins necessaries – comme si une dame bien portante en avait besoin ! – l’aïeule a tout compris. Entre-temps, Monique Lavoine accuse M. Vaillargues et son épouse d’être la cause de la maladie de sa belle-mère : ces retrouvailles après de si longues années lui auraient occasionné une forte émotion. Dans la foulée, elle porte plainte aux gendarmes en accusant François et Amandine Vaillargues d’avoir voulu achever mamie Lavoine. Ceux-arrivent dare-dare, mènent leur enquête, interrogent les Vaillargues et leur défendent de quitter le pays, le temps que celle-ci se termine. Accuses à tort, ces braves gens sont aux cent coups mais ils prennent patience et attendent l’arrivée de Guillaume qui finit par les rejoindre. A son tour, il va chez sa grand’mère qu’il connaîtra en vrai pour la première fois. Pendant ce temps, Monique Lavoine retire sa plainte à la gendarmerie, s’étant aperçue du subterfuge de sa belle-mère. Quant à Guillaume et à Bernard, les deux garçons lient connaissance l’un avec l’autre et s’entendent plutôt bien. Bernard fait découvrir son pays à son cousin qui s’extasie sur tout. Leurs pères respectifs passent toute une après-midi à taquiner le poisson dans un ruisseau où... la pêche est interdite ! Guillaume et Bernard s’amusent beaucoup de ces scènes paternelles si originales ! Jugez plutôt : voir leurs papas transformés en gamins ! L’auteur nous peint là de beaux tableaux avec son langage châtié et stylé qu’il emploie avec tant de brio pour raconter la beauté de la nature, la verdure des arbres, la vie rurale. Il va même jusqu’à révéler au lecteur une recette du pays, et jalousement gardée : celle de l’omelette aux noix de terre. Les descriptions sont si colorées et si vivantes qu’on s’y croirait. C’est à la fois énergique et délicat, plein de force mais aussi de sensibilité.
Les Vaillargues doivent bientôt regagner Paris, mais leur fils, lui, décide de rester au pays. On lui aménage une chambre dans la maison de sa grand’mère et il donne un coup de main à ses oncle et tante dans leurs travaux mais encore à son cousin qu’il aide à maîtriser l’informatique.
De retour dans la capitale, François Vaillargues pense de nouveau à son mystérieux coup de téléphone reçu on ne savait d’où et dont l’interlocuteur demeurait toujours non identifiable. Après mûre réflexion, les Vaillargues se décident à vendre leur commerce et leur appartement parisiens et à prendre la charge de la ferme des Lavoine : le père de Bernard a jeté l’éponge et s’est joint à une compagnie de transports où il a trouvé à faire. Le père Broussotte a du reste loué en bail ses terres à M. Vaillargues. Les dernières pages du roman narrent le retour en Auvergne des Vaillargues, leur installation chez les Lavoine, le suicide de Julia Broussotte qui tente de tuer son mari à coups de balles de fusil de chasse pour régler un ancien différend – encore une affaire d’héritage ! - mais qui finira par trouver la mort, le mariage de Guillaume avec la fille d’un richissime agriculteur de la région et la naissance de leurs enfants. La vieille mamie Lavoine a enfin le coeur en paix : savoir les siens réunis chez elle sur leur terre natale, les voir exploiter leurs champs, avoir de si beaux enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants : que peut-on rêver de mieux à quatre-vingts ans passés.
Et ce coup de téléphone si intriguant ? Eh bien, c’est le notaire de la commune qui l’a donné à M. Vaillargues sur la demande de feu son beau-père qui tenait avant de clore les yeux une fois pour toutes à ce que sa fille et son gendre fissent marcher sa ferme, et ce, malgré leurs mésententes de naguère.
Ce que j’ai apprécié le plus dans ce roman, ce sont les valeurs familiales qui y prennent toute leur importance, l’amour que l’on porte à ses racines, les descriptions des paysages, de la campagne, dont je me suis laissé imprégner, le parfum des fleurs qui sentent bon la France profonde, enfin mille petits détails qu’il est plus facile à percevoir de l’esprit ou du coeur qu’à exprimer en paroles. Aussi, je ferais bien de lâcher ma plume illico et de vous inviter à découvrir (ou à redécouvrir) à votre tour ce si beau roman...