De quel livre de la série des FRERES
HARDY est tiré ce chapitre ?
Chapitre premier
Livraison erronée
« Pour une lettre bizarre, c’est une lettre bizarre ! s’exclama Frank
Hardy, jeune garçon de dix-huit ans, en passant la main dans ses cheveux châtains. Je me demande ce qu’il nous veut, cet homme ! »
Son frère Joe, d’un an son cadet, parcourut à son tour la feuille.
« C’est signé Thaddeus McClintock, lut-il, jamais entendu parler de lui.
— Puisqu’il loge à l’hôtel Bayport, c’est qu’il est nouveau venu dans le coin. Qui crois-tu qui lui ait parlé de nous ? »
Les deux frères étaient allongés sur
les divans de la salle de séjour. Leur mère, Mrs Laura
Hardy, répondit en souriant de leurs postures de teenagers désinvoltes :
« N’importe qui. »
Cette missive, qui était arrivée au courrier du matin même, était adressée à Frank et à Joe
Hardy, et était rédigée dans ces termes :
« On m’a dit que vous êtes des jeunes hommes raisonnables et que vous avez la tête sur
les épaules. Aussi me suis-je demandé si vous passeriez me voir afin que nous discutions d’une affaire très importante. J’ai une mission délicate à vous confier si cela vous intéresse. »
Frank leva
les yeux vers son frère :
« Qu’en penses-tu, toi ? Nous ne risquons rien à nous entretenir avec ce Mr McClintock.
— Quoi qu’il en soit, soyez prudents, conseilla leur mère. Qui sait si cet homme n’est pas un escroc. S’il vous pose des questions sur votre père, tenez-vous sur vos gardes !
— Cela, dit Frank, c’est la règle n° 1 de la maison, et nous ne sommes pas près de l’oublier !
— Sois sans inquiétude, maman chérie, renchérit Joe d’un ton rassurant. Si ce McClintock essaie de nous soutirer des renseignements sur papa, nous aurons soin de ne rien dire de compromettant. D’ailleurs, ajouta-t-il avec un sourire, c’est la vérité vraie, n’est-ce pas, maman ? Toi, pas plus que nous, tu ne sais rien des activités auxquelles se livre papa. »
Mrs
Hardy secoua la tête.
« Non, je n’ai sais pas plus long que vous, avoua-t-elle, mais ça n’a rien d’extraordinaire. »
Mr Fenton
Hardy était un détective privé de grand renom. Formé au département policier de New York, il avait quitté cette ville pour exercer seul son métier. Au fil des années, il s’était bâti une réputation phénoménale.
Les fils de Mr
Hardy avaient hérité de leur père son don naturel de fin limier.
Frank et Joe se rendirent à l’hôtel Bayport en voiture et, arrivé là, ils demandèrent à voir M. McClintock.
« Je regrette, répondit le réceptionniste, mais M. McClintock est absent pour le moment. Il est parti il y a tout juste une demi-heure, mais il a laissé un message pour vous. Tenez, il vous prie de revenir dans l’après-midi.
— Ce monsieur McClintock, qui est-ce ? demanda Frank. D’où vient-il ? Est-il jeune ou vieux ? »
Le réceptionniste de l’hôtel, qui connaissait
les deux jeunes
Hardy depuis des années, parut surpris.
« Vous ne le connaissez pas ? Eh bien, il prend pension ici depuis trois mois. C’est un homme d’âge moyen ; il n’est pas très bavard.
— Qu’est-ce qu’il fait dans la vie ? interrogea Joe.
— Il ne travaille pas, que je sache, mais il paie ses factures chaque semaine. Il n’a pas l’air de connaître grand-monde par ici, sans doute parce qu’il vit si retiré.
— Merci des renseignements, dit Frank. A cet après-midi. »
Lui et Joe rentrèrent chez eux, curieux plus que jamais de savoir pourquoi M. McClintock désirait tant
les rencontrer. Tandis qu’ils entraient dans la maison, ils entendirent une femme parler avec animation à l’intérieur.
« Tante Gertrude ! s’écria Joe. Et elle est sur le sentier de la guerre ! »
Tante Gertrude était la sœur célibataire de M.
Hardy. Elle était déjà venue passer quelque temps chez son frère. C’était une dame de haute taille, au caractère emporté. Mais, sous ses dehors bourrus, elle était la gentillesse même et elle aimait tendrement ses deux neveux.
« Laura, ce carton est plein de laine ! disait tante Gertrude à sa belle-sœur. Alors que celui que j’attendais devait contenir des documents de famille importants. Je vais de ce pas téléphoner à l’agence et leur dire ma façon de penser !
— Qu’est-ce qui ne va pas, tante Gertrude ? demanda Frank en faisant son apparition dans le vestibule, son frère sur ses talons. T’aurait-on escroquée ?
— Escroquée, non, mais… »
Elle poussa une exclamation de colère, puis continua :
« Je devais prendre livraison d’un carton rempli d’objets que j’avais confié à une amie il y a quelques années. Mais ces imbéciles de livreurs se sont trompés de colis et ils m’ont apporté le mauvais. »
Elle désigna le carton posé par terre.
« Je l’ai ouvert sans avoir vérifié l’étiquette ! » reconnut-elle.
Joe examina le carton.
« C’est pour un nommé James Johnson, déclara-t-il, au 142, Springdale Avenue.
— Exact, affirma tante Gertrude. Ces bons à rien de garçons ont livré mon carton par erreur à M. Johnson et le sien à moi. J’appelle tout de suite ces messieurs pour leur dire ce que je pense d’eux !
— Ne te fâche pas, ma tante, dit tranquillement Frank, ce sont des choses qui arrivent. »
Miss
Hardy se dirigea vers le téléphone et appela l’agence. A mesure que la conversation se poursuivait, tante Gertrude s’animait de plus en plus.
« Ecoutez-moi… », cria-t-elle, mais son interlocuteur ne lui laissa pas le temps d’aller plus loin. Lasse, tante Gertrude finit par raccrocher.
« Ils ne feront rien avant demain ! se plaignit-elle à sa belle-sœur et à ses neveux. En attendant, mon carton sera ouvert par
les occupants de cette maison de Springdale Avenue. Or, je ne le veux à aucun prix !
— Comment veux-tu
les en empêcher ? demanda Joe, une lueur malicieuse dans
les yeux.
— C’est tout simple : Frank et toi, vous irez tout de suite à cette adresse réparer l’erreur. Tout de suite, vous m’entendez ! »
Frank consulta sa montre. Il était presque l’heure du déjeuner. Et, sitôt après, son frère et lui avaient fait le projet d’aller voir M. McClintock.
« Pas d’excuses ! déclara tante Gertrude d’une voix ferme. D’ailleurs, il ne vous faudrait pas longtemps pour aller Springdale Avenue. Pendant ce temps, je vais confectionner une tarte aux fraises que vous aimez tant !
— En ce cas, fit Frank en riant, nous nous sauvons sur-le-champ. »
Là-dessus, il prit le carton dans ses bras et, suivi de son frère Joe, sortit dans le jardin. Frank se glissa derrière le volant de sa voiture stationnée près de la grille, Joe monta à côté de lui.
Quelques minutes plus tard, ils débouchaient dans
les quartiers situés à l’est de Bayport. Peu après, Frank engagea sa voiture dans la fameuse Springdale Avenue. Quand ils eurent dépassé une petite maison en pierre portant le numéro 52, ils se trouvèrent dans une rue où
les trottoirs aboutissaient à des impasses et où
les immeubles étaient espacés de loin en loin. La voiture des jeunes garçons cahotait sur le mauvais chemin plein de poussière.
« Nous voici en rase campagne, fit remarquer Joe, je parierais que nous sommes en dehors de la ville. Qui sait si cette maison numéro 142 existe ! »
A quelque distance devant eux sur la route, un peu en retrait de celle-ci,
les deux jeunes gens purent distinguer une grande maison en bois, entourée d’un jardin clôturé par une palissade. Une petite grange se dressait derrière la maison.
« C’est sûrement ici » fit remarquer Joe en s’approchant de la bâtisse. L’instant d’après, il s’écria de toutes ses forces :
« Regarde, Frank : on a mis le feu à la grange ! »
En effet, un gros panache de fumée s’éleva d’une des fenêtres du premier étage, suivi aussitôt d’un épais nuage noir et d’une lueur de flamme rouge.
Toujours au volant de sa voiture, Frank franchit la grille du jardin et s’arrêta devant la maison. Joe sauta vivement à terre, gravit en courant
les marches du perron et cogna sur la porte d’entrée à coups redoublés. Ne recevant pas de réponse, il essaya de tourner le bouton de la porte.
« Rien à faire, c’est fermé ! hurla-t-il à son frère. Va vite prévenir
les pompiers, Frank ! »
D’un habile coup de volant, l’interpellé fit demi-tour et roula en direction de la route. Joe sauta au bas du perron et courut vers la grange. Pendant ce temps, de plus en plus de fumée s’échappait des fenêtres de l’étage cependant que
les flammes détruisaient le toit en galets du pays.
La première pensée de Joe fut pour un animal domestique qui serait resté piégé dans la maison. Il essaya de pénétrer à l’intérieur, hélas ! toutes
les portes étaient cadenassées et fermées à double tour.
Le garçon fit en courant le tour de la bâtisse jusqu’à ce qu’il trouvât une petite porte latérale. Avisant une fenêtre, il se hâta vers celle-ci. Un coup d’œil jeté à travers l’une des vitres poussiéreuses révéla la présence de deux stalles vides.
Des langues de flammes furieuses et des masses de fumée nauséabonde bondissaient du plancher de la grange. Et, non loin de là, un gros carton était posé !
« Il est sûrement à tante Gertrude ! se dit Joe. Il faut absolument que je le récupère ! »
La fenêtre était si étroite que Joe ne tenta même pas de se faufiler au-travers. Il se dirigea de nouveau vers la porte de côté qu’il essaya de défoncer d’un coup d’épaule. L’huis gémit un peu sans céder.
Le jeune garçon regarda autour de lui et, soudain, son regard fut attiré par un tas de bois s’élevant à l’arrière de la maison. Une hache gisait à côté. Sans perdre une seconde, il traversa la cour de toute la vitesse de ses jambes, saisit la hache et retourna à la grange au pas de course.