Je ne pense pas que je vais pouvoir vous présenter un tas de livres que vous ne connaissez pas, mais celui-ci vous est sans doute inconnu pour la plupart d'entre vous.
Il y a une bonne raison à cela, il a été écrit par un auteur suisse et il y a de cela plus de cent ans. Il y a eu en Suisse d'expression française très peu d'auteurs anciens pour les jeunes et aucun n'en fit sa spécialité.
Le livre dont je veux vous parler est une sorte de récit ancêtre de ceux d'Enid Blyton, tout en se distançant des aventures précédentes pour la jeunesse par les auteurs classiques.
Son auteur, Gaston Clerc, est né à Neuchâtel en 1885 et mort en 1982. Il fit des études de théologie puis les abandonna pour se tourner vers l'enseignement. Il fut le fondateur d'un mouvement pendant du scoutisme, le Mouvement des Unions Cadettes, dont votre serviteur fit brièvement partie dans sa jeunesse. Devant rédiger le bulletin mensuel de cette association, il imagina créer un récit d'aventures qui paraîtrait en épisodes dans cette revue. C'est ce qui conduisit à la publication qui nous intéresse, Le Secret de la Porte de Fer, qui parut en librairie en 1913, juste avant le début de la guerre. C'est son seul et unique ouvrage du genre.
On y trouve les ingrédients des futures aventures que nous aimons tous.
Il y a un château, des souterrains, des passages plus ou moins secrets, un étrange promeneur disparu, une énigme à déchiffrer, quatre enfants curieux qui veulent partir à l'aventure sans se douter de ce qui les guette, un trésor, et bien sûr des bandits.
Ce qui est intéressant dans ce livre, c'est qu'il est éducatif sans en avoir l'air. Nous sommes vers 1910 et l'école est encore assez élémentaire, certaines choses sont encore un peu mystérieuses, comme l'électricité dont il est souvent question dans le livre. Il a glissé dans son histoire un garçon un peu pédant, un peu plus dégourdi et instruit que les autres. Il sera la cause de tous leurs tracas d'aventuriers, mais aussi celui qui sauvera toute la bande grâce à son savoir qu'il distillera aux autres. Toutefois, l'aventure pure est le canevas principal du livre, pleine de rebondissements et de situations angoissantes.
Le début de l'aventure : quatre jeunes écoliers partent pour explorer un château isolé qui a mauvaise réputation, situé dans une forêt avoisinant le village où ils habitent. L'un des garçons, l'érudit de la bande, a repéré une porte enfouie dans la verdure qui semble donner accès aux souterrains du château. Bricoleur, il a fabriqué une clé qui devrait pouvoir ouvrir cette porte. En effet, cette clé permet d'ouvrir la porte. Mais cette porte est un piège qui se referme sur eux, avec l'impossibilité de l'ouvrir depuis l'intérieur. Avec seulement comme moyen d'éclairage une bougie, bougie qui a un malin plaisir de s'éteindre avec les courants d'air, sans pouvoir compter sur l'aide d'une boîte d'allumettes oubliée à la maison, ils devront inventer une première astuce pour avoir de la lumière et partir en exploration. Et l'aventure sera pleine de surprises, jusqu'à la dernière page.
J'aime beaucoup de ce livre, même si les dialogues sont sans doute un peu vieillots, on pourrait éventuellement les trouver plus élégants, mais on ne parle pas exactement comme aujourd'hui. Le récit est bien ficelé, même bien mieux que dans certaines histoires de Blyton. Il y a un réel mystère à élucider et la partie pédagogique est somme toute assez discrète, ce sont les réponses de celui qui sait aux questions de ceux qui ignorent. De plus, l'aventure commence immédiatement et finit 215 pages plus loin. Je conseille fortement, mais c'est un avis personnel.
Un bref passage pour vous mettre l'eau à la bouche :
" Il allait commencer son exploration, lorsqu'un courant d'air très violent balaya subitement le souterrain et éteignit la bougie. Le petit groupe se retrouva plongé dans le noir. En même temps, on entendit tout au fond du couloir un bruit étrange assez fort, mais que nos garçons ne parvinrent pas à définir, et leurs yeux épouvantés crurent distinguer dans le lointain des formes blanchâtres, indistinctes et silencieuses."
Personnellement je l'ai lu vers 1964,1965, dans une réédition de 1959. Bien évidemment, l'édition originale est introuvable et même s'il s'en est vendu à environ 100 000 exemplaires, et réédité plusieurs fois, il n'est pas pour autant courant, encore mois hors des frontières de la Suisse.
Heureusement, il a été réédité en 2014 et est disponible chez Payot en Suisse et en format Kindle chez Amazon. Seul hic, le prix qui est d'une trentaine de francs suisses pour le livre.